Marie Sordat

Née en 1976 en France, vit a Bruxelles.
www.mariesordat.net

MotherLand, 2012

La série MotherLand se déroule dans deux pays, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie. Cet hiver, je suis partie dans ces lieux si chargés d’histoire conflictuelle pour chercher comment dire quelque chose de la relation mère-fille. Spécialement quand celle ci est destructrice, et plus particulièrement quand il n’y a plus de relation du tout. Mon objectif n’était ni de faire du documentaire, ni une recherche auto-biographique, mais plutôt de mettre en image le silence et l’incompréhension dans cette série qui s’agence précisément en 15 images.
Venant d’une formation cinématographique, je travaille toujours mes séries comme un film, avec un début, une fin, utilisant les lieux et les personnages en tant que valeur allégorique ou plastique.
Ici j’ai privilégié le rythme musical des images, cherchant à composer mon album total, 15 morceaux qui diraient tout ce qu’il ne m’est pas possible de dire avec les mots.

« (…)
Il y a des secrets qui ne s’échangent qu’en silence. Dans le blanc froid des périodes givrées de la vie, dans l’interstice des murs craquelés, dans l’intervalle d’où nous venons tous et où tous nous cherchons notre billet de retour, du bout des ongles, comme la monnaie de notre soif, l’étanchement de notre besoin d’absolu ou de consolation. Marie Sordat voyage (Bosnie et Herzégovine, France, Italie, Géorgie, Etats-Unis…) sans ramener de photos de voyages – ou alors de voyages intérieurs, car ses photos sont davantage des miroirs mentaux que le strict reflet du monde qui l’entoure. Une âme seule, rien ne l’entoure d’ailleurs, qu’un peu de neige et de charbon. Parfois, un trait de couleur passe dans le ciel. Il y a des moments pour avancer, d’autres pour attendre. D’autres pour rien.

Jaillies comme par les échancrures du réel, les figures que dessine la photographe semblent le plus souvent évoquer la déchirure de la maternité, un coin de voile levé sur un monde en deuil, un retour à l’écriture de la lumière comme surgissement, comme apparition. Il faut ici considérer le paysage comme un état d’âme, ou plutôt les états d’âme comme une forme particulière de paysage. En ce compris les visages.
Marie Sordat durcit le ton, tranche dans les contrastes, taille dans le vif.

MotherLand : refuge ou violence, terre patrie ou langue maternelle. Mais s’en sortir passe par les yeux. Pas – ou plus, ou pas encore – par la bouche, par le verbe, par les mots. Et à toi, Marie, que te disent, dans le blanc des yeux, les silences magnifiques de tes images ?…»

Emmanuel d’Autreppe, avril 2012
Directeur des éditions Yellow Now,
à l’occasion de l’exposition aux Brasseurs, Liège, mai 2012